jeudi 29 décembre 2011

Le Combat silencieux, André Salvet (Le Portulan, 1945)


Voilà le troisième billet que ce blog consacre à un roman (oublié) sur la Résistance écrit par l’un de ses protagonistes dont l’anonymat littéraire n’a d’égal que la renommée dans sa véritable profession. Il s’agit d'ailleurs dans les trois cas du seul roman publié par l’auteur quoique, pour André Salvet (1918-2006) contrairement à Jacques Panijel et Pierre Chany, la remarque ne soit pas tout à fait vraie et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, publié dès mai 1945 chez un éditeur dont il inaugure le catalogue, Le Combat silencieux ne cache pas la véracité des faits qu’il relate malgré l’incohérente (mais vendeuse ?) mention « roman » présente sur la couverture et la page de titre. Un avertissement de l’auteur précise en effet dès l’ouverture : « Ce livre raconte une partie de certaines aventures survenues à l’un de mes amis, qui a tenu à garder l’anonymat ».

Ensuite, André Salvet a publié en 1970 un autre roman, Lolitissimo, sous un autre nom (René Varrin) et dans un autre genre – érotique - dont il était en fait un spécialiste reconnu, publiant de nombreux ouvrages sur le sujet (notamment sous l’angle de l’histoire littéraire) sans que ce soit sa véritable profession. Il fut en effet un personnage incontournable de la chanson française des années 50 à 70, auteur d’innombrables paroles de chansons à (gros) succès... Parmi les plus connues, on ne peut résister au plaisir de citer : Itsy bitsy petit bikini (pour Richard Anthony), Brigitte Bardot (pour Dario Moreno), L’école est finie (pour Sheila), Twist à Saint-Tropez (pour Les Chats Sauvages), ou encore Le temps de l’amour (pour Françoise Hardy) !

Enfin, un deuxième roman - titré Les inquiets - du même André Salvet était annoncé en préparation dans la rubrique « Du même auteur » de cette première et unique édition du Combat silencieux. Il n’a jamais été publié ; quant à savoir ce qu’est devenu le manuscrit, voilà peut-être une affaire à suivre… Il devait également publier un Essai sur la poésie dont on perd ensuite toute trace (même s’il publiera à la fin de sa vie deux recueils de poèmes), une poésie qui rythme d’ailleurs Le Combat silencieux à travers la mémoire du personnage principal, Pierrot, un résistant qui concevait son action comme une aventure poétique et ne put se résoudre, une fois la guerre finie, a basculé dans la politique.

Certes, le livre n’est pas la perle rare tant espérée que laissait envisager la lettre d’Albert Camus placée en introduction, réponse à un courrier de l’auteur lui demandant une préface. L'écrivain alors déjà célèbre y explique avec politesse à André Salvet pourquoi il n'en écrira une que si ce dernier y tient vraiment parce, selon lui, un bon texte se suffit à lui-même et que c’est le cas du sien. (Ce n’est pas nous, partisan des postfaces, qui allons le contredire...) 

Pour le reste, si Le Combat silencieux demeure un ouvrage de facture somme toute assez classique dans la construction et dans le style, on ne partage pas moins l’avis d’Henri Queffelec lorsqu’il le chroniqua à sa sortie dans le numéro de décembre 1945 de la revue Esprit : « Quelques aventures de la Résistance présentées au demi-ralenti. L’opérateur indique, souligne les détails intéressants. Mais pas de chiqué. On croit y être, et, malgré les évidentes faiblesses du découpage et de la lumière, on suit avec passion ».

mardi 20 décembre 2011

Rouge décanté, Jeroen Brouwers (Gallimard, 1981)


J'ai lu ce livre il y a déjà plus de cinq ans et n'en ai pas lu d'autres depuis dans le même genre : insoutenable. Je ne peux plus, tout simplement, mais ne cesse pas moins de penser à lui et à son titre qui me font immédiatement venir à l'esprit un mot - l'horreur - tant, comme dans le texte de Conrad, on se trouve ici "au cœur des ténèbres"... 

Et puis, dans un second temps, j'entends cette phrase qui en est extraite et résume à elle seule - comme peu d'autres - l'entièreté du réel en même temps que de la condition humaine : « Nulle chose n’existe qui n’en touche une autre, mais que dois-je faire ? » Tout est dit... Pour le reste, le résumé de l'intrigue, le nom des personnages, etc., il y a des sites pour ça !

mardi 13 décembre 2011

Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, Eugen Herrigel (Dervy, 1994)



Une telle lecture donne envie de s'effacer devant le texte pour en citer un passage qui pourrait d'ailleurs servir de méthode concernant notre rapport au livre (et à ces chroniques) :

"- L'art véritable, s'écria le Maître, est sans but, sans intention. Plus obstinément vous persévérerez à vouloir apprendre à lâcher la flèche en vue d'atteindre sûrement un objectif, , moins vous y réussirez, plus le but s'éloignera de vous. Ce qui pour vous est un obstacle, c'est votre volupté trop tendue vers une fin." (pp.55-56)

On remerciera juste le merveilleux Henri Cartier-Bresson de nous l'avoir fait connaître...



 

Eugen Herrigel en pleine (non-)action (Photographe inconnu)

samedi 10 décembre 2011

Tzvetan Todorov, Une vie dans le feu (Robert Laffont, 2005)


Pourquoi se priver dans ce blog d’un billet sur une préface ? Le sous-titre de « Surbouquin » n'est-il d’ailleurs pas là pour dire que tous les types de textes se valent par principe car seul compte leur qualité et non leur nature, c’est-à-dire ce qu’ils font au lecteur plutôt que ce qu’ils sont, en un mot : leur action plutôt que leur naissance…

Je parlerai donc de la préface à Marina Tsvetaeva, Vivre dans le feu (Confessions), tant son intelligence et sa beauté m’ont marqué. Il faut dire que Tzvetan Todorov n’a pas lésiné sur les efforts pour lui donner le jour, endossant le double rôle de préfacier et d’éditeur puisqu’il est également l’auteur de la sélection des textes intimes (lettres et carnets) qui composent ce recueil autobiographique : un travail de titan face à dix tomes d’écrits mais aussi un travail tout en finesse, autrement dit en sensibilité, en précision, en pédagogie et en discrétion.

A cette occasion, Tzvetan Todorov minore un peu l’injustice faite par l’édition française à Marina Tsvetaeva durant son exil parisien (1924-1939), quinze années de publication quasi égale au silence malgré dans une capitale peut-être bien trop occupée à acclamer ses gloires nationales et quelques stars de l’étranger triées sur le volet (germanopratin) pour s’intéresser à cette femme sans entrée dans les réseaux et vivant en banlieue...

De Marina Tsvetaeva, que dire ? Rien qui ne soit déjà énoncé dans la préface à la fois complète (60 pages) et synthétique. Et du livre ? Que (presque) tout est déjà dans cette préface qui met superbement en lumière les plus beaux passages des quelques 600 pages couvrant plus de trente ans de vie et d'écriture pour en restituer tout le sens.


P.-S. : Un autre français, Dominique A, lui a rendu un magnifique hommage dans une chanson qui porte son nom et où paroles, musiques et voix se marient sublimement, notamment dans le refrain (« Tout ce qui porte un nom brûle… », toujours ce feu...) qui ne cesse de résonner au-delà du morceau comme le passage sur terre de cette femme-poète hors du commun. 

lundi 21 novembre 2011

La Rage, Jacques Panijel (Minuit, 1948)



Ce livre relève plus pour moi de la curiosité exceptionnelle que de la perle rare au sens où je l’entends dans ce blog. Pour preuve : le fait que je n’ai pas réussi à le lire dans son intégralité, sautant quelques-unes de ses 635 pages, les chapitres et les personnages défilant à un rythme effréné sans forcément de liens entre eux. Ce livre dévaste en effet tout sur son passage à un point tel que l'on ne sait plus trop parfois où l'on se trouve ni où l'auteur veut nous emmener. La fin en queue de poisson est à ce titre archétypale et plus qu’étrange : symbolisée par une phrase de dialogue non achevée, sans ponction finale, comme si Jacques Panijel avait pris un parti plus que radical pour ne pas conclure au risque de donner l’impression que l’édition avait souffert d’une erreur d’impression ou que mon exemplaire avait été amputé d’une page. 

Malgré cela, La Rage reste un objet littéraire absolument fascinant et unique en son genre mais lequel : roman de la Résistance, récit autobiographique ou pamphlet politique ? Un peu des trois sûrement et de bien d’autres à coups sûrs... En outre, comme le nombre de pages, le plan de l’ouvrage en quatre parties (Prostrés, Paroles, Agir, Vivre) traduit cette ambition (démesurée ?) et une vision du monde désespérée qui renvoie dos-à-dos le blah blah des gens sans histoires et des hommes de pouvoir, mais aussi des intellectuels et des révolutionnaires. Avant même la première ligne, tout est peut-être déjà dit dans l'épigraphe : « Merde, partout ici, est un mot grave et même un mot sacré. »

La Rage est un livre dangereux, gorgé de fulgurances, de phrases terribles, assassines, définitives, utilisant une langue d’une grande modernité, y compris pour le lecteur de 2011. Un texte à la langue crue, directe qui ne prend pas de gant avec la médiocrité humaine en général et française en particulier, comme un long et cruel exercice de lucidité s’appliquant non seulement à la Résistance elle-même mais aussi au mot Résistance, autrement dit à tout ce qui porte un nom et a fortiori une majuscule (même la Croix-Rouge y passe !...). Le règlement de comptes d’après-guerre entre factions de la Résistance et egos surdimensionnés ne semble d’ailleurs jamais très loin, expliquant peut-être non seulement le rejet par les communistes à la sortie du livre mais aussi le silence général dans lequel il est plongé depuis (pas de réédition, très peu d’articles critiques ou de citations dans des ouvrages historiques, notamment sur la littérature de la Résistance). Quoiqu’il en soit, de nombreux passages justifient à eux seuls que l’on s’y intéresse et un chapitre sur la torture laisse littéralement sans voix de bout en bout tant il est criant de vérité, atteignant l'horreur absolue par le simple recours au verbe des nazis.

En refermant ce livre, une question en forme d’admiration me hantait : « Quel homme devait-être Jacques Panijel... ? » Wikipedia y répond en partie de façon factuelle : mort en 2010 seulement, Jacques Panijel était biologiste de profession, mais aussi cinéaste et militant politique auteur d'un film interdit pendant plus de 10 ans en France sur le massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Un enragé, donc, au sens le plus beau et le plus fort du terme. Un homme discret, aussi, puisque pas la moindre photo de lui ne semble disponible sur Internet...

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P.-S. : Pour plus d'explications sur le silence (forcé...) du monde littéraire à propos de ce livre et cela depuis sa sortie, voir notamment le livre d'Anne Simonin, Les Editions de Minuit, 1942-1955 : Le devoir d'insoumission (IMEC Editions, 1994), pp. 264-275.

P.-S. n°2 : En poursuivant mes recherches suite à la lecture du livre d'Anne Simonin, j'ai découvert cette lettre de Jacques Panijel (parue dans le magazine Lire n°232 de février 1995, page 123) qui l'avait donc lu lui aussi avec beaucoup d'intérêt :
« En 1948, les Editions de Minuit publiaient mon roman : La rage. Ce titre disait bien mon ''sujet'', la fureur vécue pendant quatre ans et dont ne rend guère compte le terme banalisé de ''Résistance''.
Pourtant je m’étonnais : le livre était publié, mais la diffusion en restait nulle. Critiques et lecteurs de l’époque étaient, paraît-il, las « de toutes ces histoires » et boudaient. Bref, j’étais seul dans mon genre, et de ce genre, on ne voulait plus. Et puis ces Editions de Minuit allaient mal, très mal, m’expliquait-on… Quelques années plus tard, financièrement redressées, les Editions de Minuit seconde manière mettaient La rage au pilon. J’étais blessé. […] Pourtant, la « vraie vérité » m’avait échappé. Le récent ouvrage d’Anne Simonin (Les Editions de Minuit, 1942-1955) en rend compte : ce qui m’avait semblé simple et personnelle mésaventure est pur scandale. Pour des raisons inverses de celles qui ont « épuré » des écrivains pour faits de collaboration et de trahison, j’étais devenu un écrivain « épuré » pour cause de « Résistance » et d’action. En un temps où la « mémoire » impose enfin sa nécessité, La rage réclame le droit à cette « mémoire ». Il me paraît donc grave que ce livre soit frappé d’interdiction par le biais d’une amnésie concertée. »
Tout est dit mais, décidément, il nous faudra vraiment parler dans ce blog de l’indispensable La Mémoire courte de Jean Cassou publié aux mêmes Editions de Minuit en 1954…

vendredi 18 novembre 2011

Nous avons les mains rouges, Jean Meckert (Gallimard, 1947)



J'ai lu ce livre il y a quelques années déjà mais il méritait à mes yeux d’être mentionné dans ce blog pour en avoir été l’un des déclencheurs et des modèles (à égalité avec La Mémoire courte de Jean Cassou). C'est en effet avec lui que j'ai compris une fois pour toutes que les auteurs dominants, non seulement n'avaient pas tout dit, mais cachaient une bonne partie de ce qu'il y avait à dire et, par conséquent, étaient peut-être secondaires, ou en tout cas le deviendraient de plus en plus au niveau de mes lectures.

Grâce à ce livre, j'ai aussi compris qu'il fallait se méfier des rééditions d'ouvrages oubliés parce qu'elles cachent parfois d'autres titres du même auteur, tout aussi réjouissants mais peut-être moins fréquentables... En plus de lire les livres délaissés par la majorité, il me fallait donc apprendre à lire entre les lignes des bibliographies d'auteurs et des catalogues d'éditeurs !

Et puis il y a quelque temps, (comme) par hasard, je suis tombé sur La mort n'oublie personne de Didier Daeninckx (Gallimard, 1989), magnifique hommage à Nous avons les mains rouges et à Jean Meckert, également connu sous le nom (de plume) de Jean Amila, homme dont l'intégrité physique fut tragiquement amputée par des inconnus ne supportant pas son exigence de vérité qui en fit à la fois un homme de paroles et d’action.

mardi 18 octobre 2011

Fausse route, Pierre Mérindol (Minuit, 1950)


Voilà un livre étonnant, le seul roman qu'ait jamais écrit Pierre Mérindol, par ailleurs auteur de nombreux ouvrages sur la ville de Lyon. Je l'ai connu par le biais d'Olivier Bailly, auteur d'un superbe blog sur Robert Giraud à qui il a également consacré un magnifique livre-portrait (plutôt que biographie), Monsieur Bob, dans la gouleyante collection Ecrivins dirigée chez Stock par Philippe Claudel (l'auteur du magistral Le Rapport de Brodeck). 

Fausse route paraît aux éditions de Minuit en 1950, autrement dit à une époque où cette maison n'est plus un organe de résistance et pas encore le porte-voix du nouveau roman, et il semble incarner à lui seul cette phase de transition tant son sujet et son style sont inclassables au point d'en devenir étranges, troubles même, à la manière des phares des camions qui ne cessent de balayer ses pages.   

Direct, brutal : un roman noir d'une violence implacable à l'écriture simple et moderne, mais jamais littéraire. Sans le moindre effet. Au ton lucide et tragique qui, petit à petit, laisse monter une tension terrible, bien plus profonde qu'un suspense car son ressort dramatique n'est pas aussi ostentatoire. A l'image de la scène de roulette russe plantée en plein cœur du texte, symbole parfait de l'ambiance du livre et de son implacable nihilisme en guise de "sagesse".

Fausse route dépeint donc l'histoire d'un homme qui devient hors-la-loi métaphysique suite à un crime à la fois passionnel et de sang-froid, le tout dans une atmosphère crépusculaire où l'accident devient une métaphore de l'existence : le moteur ne tourne plus rond, les roues sont prêtes à déjanter, les freins vont lâcher, la route est trop longue et, surtout, ne mène nulle part, même pas assez loin pour se fuir soi-même... Pierre Mérindol parle ainsi de "gueule de bois morale" et le terme reflète à merveille l'état d'ivresse amère des hommes et de la femme (fatale, létale même) qui composent ce récit et dont le seul point de chute est un bistrot aux odeurs d'anis froid et de cigarettes en train de se consumer. 

Décidément, un grand nombre de roman(cier)s populaires de l'après-guerre tombés dans l'oubli après leur parution - parce que désespérément pessimistes en une période où la joie était officiellement de rigueur - méritent qu'on leur prête une attention toute particulière loin des gloires germanopratines de l'époque...


Pierre Mérindol par Robert Doisneau

P.-S. : Pour ceux que Pierre Mérindol intéresse, vous pouvez voir son visage « lyonnais » de la fin des années 80 (méconnaissable par rapport à la photo de Doisneau reprise au blog d'Olivier Bailly) sur une vidéo de l’INA (http://www.ina.fr/media/presse/video/LYC9503130921/pierre-merindol.fr.html).
Le copain de Giraud arpenteur du Paris populaire de l’après-guerre a apparemment laissé la place à un journaliste reconnu membre de la bourgeoisie lyonnaise (comme tend à l’indiquer la notice très détaillée de l’INA).
Et quelle surprise de découvrir qu’il s’agit du même homme que celui interviewé par Bertrand Tavernier dans son magnifique documentaire « Lyon, le regard intérieur » paru en 1988.
Quelqu’un en sait-il plus sur cet homme mystérieux
apparemment toujours en vie ?

Addendum : Pierre Mérindol (de son vrai nom Gaston Didier) est décédé suite à une crise cardiaque le 8 août 2013 à Villeurbanne (Rhône).  

samedi 15 octobre 2011

La Mêlée, Serge Simon (Prolongations, 2008)


En cette période de grand messe du rugby mondialisé et professionnalisé, autrement dit rabattu dans le giron de la loi (de la jungle) du marché, je repense à un livre découvert par hasard (souvent ceux qui laissent les traces les plus mystérieuses...) dans une maison de la presse de banlieue, endroit a priori peu enclin à fournir ce genre de petite merveille passée apparemment inaperçue, dans ce cas du milieu littéraire comme rugbystique.

La Mêlée est un long poème en prose d'un ancien joueur de haut niveau (champion de France et sélectionné en équipe de France) - par ailleurs médecin de formation - qui livre ici un véritable tour de force sans équivalent à ma connaissance : il tente en effet de donner à voir son sport de l'intérieur, depuis le cœur même de l'action, à la façon d'une caméra subjective et embarquée. Pour cela, il use d'une langue physique et sensuelle et choisit comme sujet le symbole peut-être le plus fort du rugby, car le geste qui lui est fondamentalement propre et absent de tout autre jeu. 

Serge Simon peint donc les corps qui entrent en mêlée - corps entremêlés - comme un prêtre entre en religion, comme le jour pénètre la nuit. Grâce à lui, le profane a ainsi enfin accès à ce lieu secret où un combat se déroule quelque part entre la beauté de la force et la cruauté de la violence. On ressent alors comment pensent, respirent, transpirent ces hommes - les avants et a fortiori les piliers - qui, comme le dit le proverbe rugbystique, "osent mettre la tête là où les autres n'oseraient même pas mettre les pieds" pour que les arrières puissent, eux, briller aux yeux du (grand) public... 

Au final, ce court texte décomposé chronologiquement selon les quatre temps forts de cet acte rituel (la liaison, l'impact, avant l'introduction, l'introduction et la poussée) nous fait comprendre par l'exemple ce que tous les calendriers de joueurs privés de maillot ne permettront jamais d'entrevoir : le corps et l'esprit composent l'être humain. 

Aux dernières nouvelles, Serge Simon vient encore de frapper en publiant cette fois-ci un roman, Ca, c'était quelqu'un, chez le même éditeur et encore sur le rugby. Affaire à suivre donc...

lundi 3 octobre 2011

Petit manuel individualiste, Han Ryner (Allia, 2010)



Un de ces ouvrages méconnus et pourtant essentiels d'auteur oublié parce que dangereux. La particularité de celui-ci est de faire le lien entre de multiples périodes et approches qui semblent hétérogènes à première vue et à tort : antiquité, stoïcisme, 1900, gauche critique, philosophie (au sens fort du terme), anarchisme, sagesse... Passionnant à tous points de vue.

Han Ryner par Gabriel Belot.

samedi 1 octobre 2011

L'invention de l'écriture, Philippe Bordas (Fayard, 2010)


Nous avions laissé Philippe Bordas au moment de son formidable Forcenés et le retrouvons ici avec un nouveau livre tout aussi original portant sur un génial inconnu, Frédéric Bruly Bouabré, inventeur d'une langue et d'une écriture. Rien de moins...
 
Philippe Bordas poursuit avec cet essai sa quête d'une langue réellement vivante, essayant de trouver une autre manière d'écrire la langue française, de la faire parler, de la faire sienne, confirmant ainsi ce que Proust avançait dans son Contre Sainte-Beuve : « Les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère ».

Pour cela, il s'attaque à plus intrépide encore que lui, à un écrivain qui - au sens littéral du terme - a inventé une langue et son écriture. L'ivoirien Frédéric Bruly Bouabré, est ainsi l'incarnation même de ce que la machine à broyer de l'humain que fut la colonisation n'a pas tout à fait réussi son projet/ La preuve aussi qu'il existe une autre voix/voie pour les écrivains/Africains que celle du "bon nègre" ou du "normalien normalisé" façon Léopold Sédar Senghor.


Cette fois encore, le long poème en prose de Philippe Bordas est un immense chant pour que l'oeuvre de cet homme ne reste pas lettre morte, près de 50 ans après sa première "divulgation" auprès du public français par Théodore Monod. Mieux qu'un exercice d'admiration, une véritable déclaration accompagnée de quelques splendides photos (voir ci-dessus) dont Philippe Bordas a également le secret puisqu'il est aussi - et non par ailleurs... - un photographe reconnu, auteur d'un magnifique recueil d'images, L'Afrique à poings nus (Seuil, 2004).

Frédéric Bruly Bouabré, tel un Dieu, a inventé une langue et Philippe Bordas est son prophète.

mardi 27 septembre 2011

Traité du funambulisme, Philippe Petit (Actes Sud, 1997)

Philippe Petit est le plus grand poète vivant que je connaisse car celui qui, plus que tout autre, a réuni et réconcilié le corps, la pensée et le verbe. 


Ses traversées du vide sont célèbres, ses écrits le sont moins. Pourtant, ce Traité du funambulisme prouve qu'il est aussi un merveilleux écrivain et que son style est bel et bien le même sur le papier et sur le fil : aérien, libre, miraculeux... 

 

"Like a man on a wire 1 (Hommage à Philippe Petit)" : Dessin de Gipé constitué d'un seul trait ininterrompu (http://gipe.over-blog.com/)

samedi 24 septembre 2011

Un coco de génie, Louis Dumur (Tristram, 2010)


A première vue, je tenais là un livre qui avait tout pour me plaire : un texte oublié d'un auteur fin-de-siècle figurant dans Le Livre des masques de Rémy de Gourmont (autrement dit l'un des bienheureux portraiturés par le merveilleux Félix Vallotton) dont la résurrection était assurée par le plus que perspicace et tenace Jean-Jacques Lefrère, médecin doublé d'un amateur éclairé de littérature du 19e siècle à qui l'on doit notamment quelques trouvailles géniales (dont la découverte des origines bien concrètes - et non imaginaires, désolé André Breton - de la célèbre image de "la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie" présente dans les Chants de Maldoror).


Sa lecture fut pourtant une déception, en tout cas jusqu'aux trois quarts, moment où la révélation (sur laquelle je ne m'attarderai pas) qui se veut le climax du livre arrive enfin. Car jusque-là, on est bien trop à mon goût dans l'un des lieux communs de la littérature française des années 1850(?)-1930 : la visite estivale d'un cousin parisien à sa famille demeurée (sic) en province, prétexte à la description d'un décalage entre personnes cultivées de la capitale et gentils ruraux bons mangeurs mais souvent bas du front. Heureusement, une part de mystère s'insère vite dans cette villégiature qui s'annonçait sans histoire, grain de sable qui est la substance même du livre et le moteur d'une enquête menée par le narrateur, évidemment le personnage venu de Paris, c'est-à-dire le seul possédant le recul et la culture nécessaires pour comprendre quelque chose (et le démêler) à tout ce qui se passe d'étrange (aux yeux des autres). 

C'est bien simple, à un moment, je me suis cru en train de (re)lire le roman de Jean Martet intitulé Les Cousins de Vaison (publié en 1932) dont le dernier éditeur fait le résumé suivant : "Dans les années trente, à Paris, un jeune homme d'origine provençale, préparant sa thèse de doctorat en droit, découvre par le hasard d'une lecture l'existence d'une secte étrange dite des Implorants de Vaison. Intrigué, il profite d'un congé, descend chez un oncle qui habite Carpentras, et là, tombe sur la photographie d'une mystérieuse Dea Dia dont la beauté le bouleverse, mais dont personne ne consent à lui parler..."


Mais revenons-en à Un coco de génie : il mérite malgré tout d'être lu jusqu'à la fin et même (surtout) jusqu'à la postface de Jean-Jacques Lefrère qui permet d'en apprendre un peu plus sur cet auteur aujourd'hui connu des seuls spécialistes de l'époque. Son portrait de Louis Dumur a en effet l'intérêt de reposer une nouvelle fois cette question qui nous intéresse tant par ailleurs (voir notre billet sur Avec le feu de Victor Barrucand) : comment ont fini les écrivains des années 1890-1900 ? Car il existe bien deux types d'auteurs fin-de-siècle : ceux qui sont morts avec le siècle justement et ceux qui sont devenus des hommes du 20e siècle, non sans difficulté semble-t-il quand on en juge aux parcours de beaucoup, celui de Dumur constituant à ce titre une sorte de cas d'école. Libre penseur pacifiste et dreyfusard avant 1900, et surtout avant le grand tournant de la 1e guerre mondiale, il devint un pathétique réactionnaire belliqueux (anti-allemand) jusqu'à sa mort en 1932.

Une dernière chose : ce livre a également pour mérite (certes secondaire) de maintenir en vie par son seul titre le sympathique terme de "coco", une expression aujourd'hui porteuse d'une terrible nostalgie tant elle évoque le parler de nos grands-parents, un peu comme nos oreilles entendent une autre expression présente dans un autre titre, La Vie de Patachon de Pierre de Régnier, petit chef-d’œuvre fin-de-siècle à sa manière (car publié en 1930), dans le ton en tout cas, tant il évoque bien un (petit) monde (parisien) finissant à la veille de 2e guerre mondiale. Belle Époque, Années Folles : même(s) combat(s), même(s) défaite(s) ?


PS : Pour l'anecdote (magnifique prétexte pour glisser un "masque" de plus dans ce billet), Pierre de Régnier était officiellement le fils d'Henri de Régnier (mais d'après Jean-Paul Goujon génétiquement celui de Pierre Louÿs), lui aussi croqué par Félix Vallotton. 

mardi 20 septembre 2011

Forcenés, Philippe Bordas (Fayard, 2008)


Philippe Bordas est un immense poète lyrique en prose, un écrivain - bel et bien vivant - aussi essentiel qu'insuffisamment connu. Il faut dire qu'on n'a pas idée d'écrire aujourd'hui en français de manière aussi éloignée des petits codes de la Grande littérature contemporaine...
Dans ce livre-ci (parfaitement in-résumable) où son écriture porte sur sa passion du vélo et des hommes qui ont écrit son histoire (cyclistes ou non, célèbres ou non - dont Pierre Chany qui fut un peu les quatre à la fois), Philippe Bordas apporte sa magnifique contribution aux noces déjà centenaires de la plume et du pédalier. Il s'inscrit en effet dans une histoire et, dans le même temps, lui met un point final, démontrant de façon saisissante que le cyclisme - au sens noble, c'est-à-dire populaire - du terme est mort il y a déjà plus de 20 ans. (Malheureusement, son cadavre ne repose pas en paix : des charognards s'acharnent à vouloir le faire avancer...)
Philippe Bordas est le genre d'auteur-coureur qui attaque dès la ligne de départ franchie et ne s'avoue vaincu que mort : il faut dire qu'il n'a peur de rien et surtout pas des autres, utilisant un gigantesque braquet sur plus de 200 pages. Son secret ? Un souffle "hénaurme" et un rapport poids / puissance exceptionnel : la finesse de son style n'a d'égal que sa force. Au point qu'il emmène tout sur son passage, y compris son lecteur.

C'est bien simple (enfin presque...) : Philippe Bordas réinvente la langue française en se réinventant à travers elle, lui l'ancien chroniqueur cycliste à L'Equipe mais aussi le photographe (auteur de magnifiques photos sur l'Afrique), preuve vivante s'il en fallait une que Jules Janin avait raison en déclarant : "Le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir." 

Philippe Bordas doit s'en balancer : à l'heure qu'il est, il est déjà loin... Devant !

lundi 19 septembre 2011

Une longue échappée, Pierre Chany (La Table ronde, 1971)

 
Au commencement était Philippe Bordas et son sublime Forcenés dans lequel il consacre un chapitre éblouissant (« Le cœur fait défaut ») à Pierre Chany qu’il connut au journal L’Equipe, quelques années seulement avant que cet auteur d’innombrables ouvrages (de référence) sur le cyclisme ne prenne sa retraite.  
Une longue échappée est le seul roman que Pierre Chany ait jamais écrit, et un ouvrage épuisé, presque introuvable, car à peu près totalement oublié aujourd’hui, ce qui n’est qu'injustice et gâchis…
Ce livre est en effet tout simplement grandiose, tendu du début à la fin autour de l’énigme de son titre résolue à la dernière page : mieux, à l’ultime phrase, et ce dans une maîtrise totale. Avant cela, l’histoire est passionnante, à la fois simple et complexe, construite sur des thèmes aussi profonds que multiples : la solitude, le désespoir, la liberté, la société, la nature humaine. Rien que ça et bien d’autres encore : le chaos des hommes et du monde, le suicide, l’euthanasie, la justice, le mensonge, le silence. On est loin pourtant du roman à idées car Pierre Chany incarne ces questions dans deux personnages principaux à la fois différents et complémentaires, deux amis-ennemis que l’on suit depuis la Résistance jusqu’à l’après-guerre. Celui qui croyait à la société, celui qui n’y croyait pas…
Du point de vue (de l’histoire) littéraire, Une longue échappée n’est pas un ovni mais bien une pierre précieuse oubliée par erreur au fond d’un tiroir : à la fois la suite du Voleur (1897) de Georges Darien (la question du vol y est reposée aussi brillamment quelques soixante-dix années plus tard) et le chaînon manquant entre un Singe en hiver (1959) d’Antoine Blondin (grand ami de Chany) et La Nuit, le jour et toutes les autres nuits (1978) de Michel Audiard pour le ton aussi lucide que crépusculaire.

Alors, à quand une réédition (en poche) ? Et, s’il vous plaît, accompagnée d’une postface de Philippe Bordas et de l’entretien qu’il fit de Chany, toujours inédit à ce jour…

mardi 13 septembre 2011

Adolfo Kaminsky, Une vie de faussaire, Sarah Kaminsky (Calmann-Lévy, 2009)


Mon père ce héros... Qui peut prononcer une telle phrase sans passer pour un affabulateur ?
C'est le cas de Sarah Kaminsky dont le père, Adolfo, est tout simplement un être exceptionnel... D'humanité, d'humilité et de courage. La biographie qu'elle lui consacre éclaire un peu le parcours de cet homme qui préférait l'ombre, par nature peut-être et aussi parce que ses activités l'y obligeaient. Un combattant acharné contre l'injustice dont le travail fabuleusement manuel au service des autres était une forme d'éthique, de sagesse, de philosophie.
Adolfo Kaminsky voyait juste : il ne se trompait pas de cause et savait s'arrêter à temps. 
Un être exceptionnel d'intégrité, d'intelligence et d'abnégation... Qui, par chance, est encore vivant.

Pour poursuivre la lecture ou plutôt écouter une synthèse du livre, visionnez la conférence qu'a tenue Sarah Kaminsky lors des rencontres TED (http://ted.tv.magnify.net/video/TEDxParis-Sarah-Kaminsky-013010).
Ne manquez surtout pas la fin...

vendredi 2 septembre 2011

Avec le feu, Victor Barrucand (Phébus, 2010)


J'ai connu ce livre grâce au formidable blog d'Eric Dussert. Je l'en remercie très très vivement car j'étais complètement passé à côté alors qu'il s'agit d'un de ses ouvrages comme je les aime tant : aussi indéniablement sublimes qu'incompréhensiblement oubliés. Publié en 1900, il ne sera en effet sorti du placard - par Eric Dussert justement qui en rédige la préface - qu'en 2005. Incroyable mais tristement vrai...

Pourtant, pas une seconde, ce texte ne déçoit (pas plus qu'il n'a vieilli) : du début à la fin, son style est sublime, son histoire prenante, ses personnages convaincants alors qu'il s'agit d'un roman à clés comme nous l'apprend la préface.
Avec le feu enterre le 19e siècle en même temps qu'il ouvre le 20e quand rares sont les textes capables d'enjamber ainsi deux époques. Dans le récit, ce basculement se traduit par le départ du héros, Robert, quittant Paris pour la Côte d'Azur, changement absolu auquel il ne résistera pas quand Barrucand lui-même y tira l'énergie nouvelle lui permettant de continuer à aller encore plus avant (Algérie) malgré les forces qui le tirent en arrière à la capitale (Des Esseintes, lui, n'avait pas réussi à quitter Paris pour Londres et depuis, l'air vicié de son intérieur contaminait la littérature française fin-de-siècle...). Révolution intérieure qui intervient sur les cendres encore chaudes d'une révolution politique impossible et peut-être même peu souhaitable tant elle semble immanquablement lier - comme le montre parfaitement la majeure partie du roman - à une surenchère de la violence entre idéalistes assoiffés de vengeance et gouvernants abusant de leurs pouvoirs.
Quoiqu'il en soit, si le personnage principal ne va pas au bout de son idée initiale, l'important est que le texte lui-même ne recule devant rien et, surtout, que son auteur a fait lui le bon choix quand tant d'autres à la même époque (on pense notamment à Georges Darien, auteur du fabuleux Le Voleur) se sont trompés de chemin pour sombrer au choix - l'un n'excluant pas l'autre - dans l'antisémitisme ou le patriotisme belliqueux. Barrucand, lui, ira défendre les droits des Algériens sur place, bien avant que l'on ne commence à parler d'indépendance.
Portrait de Victor Barrucand par Félix Vallotton (paru dans La Revue blanche en 1900).

PS :
Pour l’anecdote : « J.K. Huysmans, sous-chef de bureau au Ministère de l’Intérieur, avait alors dans ses attributions la surveillance des anarchistes, et Villiers [de l’Isle-Adam] l’a mis à contribution pour des renseignements sur les explosifs », notamment pour la rédaction de sa nouvelle L’Etna chez soi (1887) comme nous l’apprennent Alan Raitt et Pierre-Georges Castex.

jeudi 25 août 2011

Les Tournesols aveugles, Alberto Mendez (Christian Bourgois, 2007)



Il s’agit de quatre contes de 30 à 40 pages chacun, se faisant écho à la façon de rimes alternées et construisant au final une longue nouvelle aux allures de fresque impitoyable sur l’après-guerre civile espagnole.

Les combats viennent en effet de cesser puisque le premier, intitulé « Si le cœur pensait, il cesserait de battre », commence le jour même de la victoire des troupes de Franco avec pour personnage principal l’un de ses combattants, qui se refuse justement à gagner un combat qui n’est pas le sien à la manière d’un Bartleby perdu au milieu de ses congénères, en uniforme cette fois militaire.
Le second conte, « Manuscrit trouvé dans l’oubli », traite d’un jeune poète fuyant de peur vers la France avec sa jeune compagne enceinte, assistant à sa mort puis à celle du nouveau né et à la sienne.
Le troisième, « La langue des morts », parle d’un prisonnier qui refuse la grâce qui lui est offerte de façon inattendue, préférant la mort à un mensonge qui ne serait que reniement de soi.
Enfin, le dernier qui donne son nom à l’ouvrage - « Les tournesols aveugles » - conte l’histoire d’un prêtre à qui l’amour secret pour une femme de vaincu ne suffit pas : il réclame encore que du sang coule pour que lui soit pardonné son égarement.

Chaque conte porte en sur-titre « La défaite », précédé de son numéro ordinal et suivi de l’année où l’action se passe : 1939, 1940, 1941 et 1942. La défaite est en effet le véritable protagoniste de ce récit, omniprésente car c’est la vie humaine tout entière qui échoue, une fois la guerre perdue par les deux camps, le pays étant réduit à néant et au silence le plus atroce.


Son auteur, Alberto Mendez (1941-2004), est né à Madrid où il a suivi des études de Lettres avant de devenir éditeur. Il s’agit de son seul livre publié à ce jour, juste avant sa mort, et probablement du seul qu’il ait écrit.

En Espagne, le livre s’est converti dès sa sortie en un classique indispensable, tant sa description de la noirceur de l’époque frappe par la sobriété et la force de son style. Il a obtenu le Prix de la Critique et le Prix National du récit ainsi que les faveurs inconditionnelles des grands quotidiens (El Pais, El Mundo, La Vanguardia). Enfin, il a été adapté au cinéma en 2008 par José Luis Cuerda.


Edition originale : Los girasoles ciegos, Anagrama, 2004.

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N.B. : Un inédit de l'auteur est disponible à l'adresse suivante : http://portal.molinadesegura.es/images/literario/setenil/Setenil2004-01.pdf

mercredi 24 août 2011

Boadilla, Esmond Romilly (Macdonald, 1971)


La légende (littéraire ? éditoriale ? historique ?) veut que la guerre d'Espagne (également appelée guerre civile espagnole car comment dénommer cet étrange objet historique...) ait donné lieu à plus d'ouvrages que la seconde guerre mondiale qui l'a suivie et dont elle fut à certains égards la terrible répétition générale.

En voici un qui est à ce jour presque totalement passé inaperçu en France puisqu'il n'y a jamais été traduit alors que cela a été le cas en Italie dès 1974 chez Einaudi et seulement en 2011 en Espagne : Boadilla d'Esmond Romilly.
A la lecture, ce texte m'a effectivement moins passionnant que ne le laissait espérer sa description élogieuse par Robin Cook dans son intéressante et originale autobiographie Mémoire vive. Pour autant, cela justifie-t-il que le milieu de l'édition française le laisse de côté ? Pas si sûr car l'ouvrage possède un intérêt dans sa simplicité même qui s'explique peut-être par l'âge de l'auteur au moment de sa rédaction en 1937 (qui n'en était toutefois pas à son premier livre puisqu'il avait déjà publié en 1935 avec son frère Out of Bounds: The Education of Giles and Esmond Romilly).
Une simplicité à la fois stylistique (pas de tics littéraires chez ce jeune homme) et idéologique (pas d'esprit de chapelle) qui, au final, a du mal à se frayer une place dans ce genre en soi qu'est le livre sur la guerre d'Espagne entre les magnifiques récits d'Orwell et Koestler et les grands romans de Malraux et Hemingway...


Esmond Romilly: Boadilla. With an introduction and notes by Hugh Thomas. Macdonald, London 1971.
Edition originale (voir couverture en haut de page) : Hamish Hamilton, London, 1937.