Philippe Bordas est un immense poète lyrique en prose, un écrivain - bel et bien vivant - aussi essentiel qu'insuffisamment connu. Il faut dire qu'on n'a pas idée d'écrire aujourd'hui en français de manière aussi éloignée des petits codes de la Grande littérature contemporaine...
Dans ce livre-ci (parfaitement in-résumable) où son écriture porte sur sa passion du vélo et des hommes qui ont écrit son histoire (cyclistes ou non, célèbres ou non - dont Pierre Chany qui fut un peu les quatre à la fois), Philippe Bordas apporte sa magnifique contribution aux noces déjà centenaires de la plume et du pédalier. Il s'inscrit en effet dans une histoire et, dans le même temps, lui met un point final, démontrant de façon saisissante que le cyclisme - au sens noble, c'est-à-dire populaire - du terme est mort il y a déjà plus de 20 ans. (Malheureusement, son cadavre ne repose pas en paix : des charognards s'acharnent à vouloir le faire avancer...)
Philippe Bordas est le genre d'auteur-coureur qui attaque dès la ligne de départ franchie et ne s'avoue vaincu que mort : il faut dire qu'il n'a peur de rien et surtout pas des autres, utilisant un gigantesque braquet sur plus de 200 pages. Son secret ? Un souffle "hénaurme" et un rapport poids / puissance exceptionnel : la finesse de son style n'a d'égal que sa force. Au point qu'il emmène tout sur son passage, y compris son lecteur.
C'est bien simple (enfin presque...) : Philippe Bordas réinvente la langue française en se réinventant à travers elle, lui l'ancien chroniqueur cycliste à L'Equipe mais aussi le photographe (auteur de magnifiques photos sur l'Afrique), preuve vivante s'il en fallait une que Jules Janin avait raison en déclarant : "Le journalisme mène à tout, à condition d'en sortir."
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