dimanche 16 décembre 2018

La Trempe, Magyd Cherfi (Actes Sud, 2007)





C’est fou comme la critique musicale (et littéraire) française s’obstine à chercher dans les mémoires de grands songwriters anglo-américains la preuve qu’ils sont (aussi) de grands écrivains alors qu’il en est un en France (de chanteur et d’écrivain) qui écrit comme personne des nouvelles d’une humanité rare, pleines d’une intensité et d’une épaisseur que l’on retrouve (aussi, mais différemment) dans ses chansons : Magyd Cherfi, plus connu comme leader et parolier du groupe Zebda.

Un véritable écrivain donc, qui, dès le titre de ce deuxième recueil de textes courts, brille par la finesse de son propos. En effet, depuis le double sens du mot "trempe" jusqu'au point final de ce livre, Magyd Cherfi suggère sans en avoir l’air – c’est-à-dire par la seule qualité de ses huit récits – que la vie est bien ce royaume du pire et du meilleur simultanés où raclée et courage justement, autrement dit haine et amour, ne sont jamais très loin, où l’enfance peut si facilement basculer à l’âge adulte du mauvais côté de l’existence si la force de caractère née des épreuves endurées ne vide pas en nous cette part irremplaçable d’humanité pour lui préférer une triste et nuisible dureté de l'être…  


mardi 9 octobre 2018

La Peur, Gabriel Chevallier (Stock, 1930)




Perle ? Oui, ô combien. Rare ? De moins en moins. 

Et c’est tant mieux. Ce n’est même que justice, pour une fois, que l’histoire littéraire se rend à elle-même comme un service - et un hommage - tant le livre de Gabriel Chevallier (plus connu pour Clochermerle) mérite d’être devenu l’un des incontournables romans (si peu fictif pourtant…) ayant trait à la Première guerre mondiale. Car l’écrivain, double (presque ?) parfait de son personnage Jean Dartemont (ou l’inverse), a combattu là où son héros s’est lui aussi confronté à ses limites, à la mort et à l’enfer. De son vivant. Le tout dans une langue moderne, simple et âpre à la fois. Sordide et même drôle, souvent. Incroyablement.

Une scène nous a tout particulièrement marqué et, étrangement, elle ne se situe pas dans les tranchées mais lors de l’unique semaine où le héros (sic) retourne dans sa famille suite à une blessure reçue au combat. À table, dans les phrases du père en décalage absolu avec le vécu du fils, tout est dit. Jusque dans les silences. Une scène qui nous rappelle celle, si forte et si proche, de Georges Hyvernaud dans La peau et les os. Ce qui n’est pas peu dire.

mercredi 11 juillet 2018

Paris au mois d'août, René Fallet (1964, Denoël)




Voilà une prose simple d’une rare poésie. L’écriture est ici légère et profonde, drôle et sensible. D’une classe inédite, surréaliste par instants, sans la prétention. D’une gouaille à la fois fine et puissante comme certains alcools habilement distillés. Un chef-d’œuvre populaire au sens le plus noble du terme.