jeudi 18 septembre 2014

Les Dimanches de Jean Dézert, Jean de la Ville de Mirmont (sans éd., 1914)





Les Dimanches de Jean Dézert fut le seul ouvrage que Jean de la Ville de Mirmont publia de son vivant puisqu’il mourut en novembre 1914 au Chemin des Dames juste après avoir fait paraître - à compte d’auteur et à seulement 300 exemplaires - cette authentique perle rare qui est encore passée trop inaperçue* en cette année de centenaire du décès de son auteur et du début de la Première Guerre mondiale où les médias ne manquèrent pourtant pas de rappeler les nombreux écrivains morts au combat, notamment durant les premiers mois. Les quatre années de conflit qui allaient suivre et le changement d’époque qui devaient en résulter privèrent ce roman et son auteur de la postérité qu’ils méritaient tant de Mirmont semble ici le premier à s'approcher aussi près du fameux "livre sur rien" (au risque de s'y brûler ?). 

Les Dimanches de Jean Dézert est l’histoire d’un petit fonctionnaire parisien célibataire dont la vie oscille entre ennui et résignation. A la fois court et implacable, désespéré et léger, ce roman occupe une place essentielle dans le passage entre XIXe et XXe siècles, comme Avec le feu de Victor Barrucand quelques années plus tôt, bien loin de l’histoire littéraire officielle. En ce qui le concerne, Jean de la Ville de Mirmont (né en 1886 à Bordeaux) réussit à sortir de l’impasse fin-de-siècle en détruisant de l’intérieur la médiocrité bourgeoise qu'il décrit grâce à un merveilleux mélange d’humour et d’absurde tout à fait inédit (Alfred Jarry et Alphonse Allais sont passés par là entre-temps...). Jean, le héros de son livre, n’est autre que son double contrarié et ridicule, renversé, jusque dans son nom de famille : Dézert vs. de la Ville. Enfin, la voix de l'auteur se retrouve dans celle du narrateur qui surgit à intervalles réguliers avec une distanciation pleine d’ironie, l’ensemble donnant au livre un ton et un style étonnamment modernes. 

Livre sur rien, ultra-moderne et peut-être même parfait au sens où le réel rattrapa immédiatement son auteur au moment de sa publication : un nouveau collègue prit en effet ses fonctions au bureau du ministère où travaillait de Mirmont et il s'appelait... Jean Dézert !!!

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* Malgré les efforts d’Eric Dussert (via son blog L’Alamblog), de Jérôme Garcin (via son roman Bleus horizons et un article) et de Charles Dantzig (Dictionnaire égoïste de la littérature française) qui a également réédité ce roman et les autres œuvres littéraires de l’auteur en 2008 aux éditions Grasset. A noter enfin : les Œuvres complètes de Jean de la Ville de Mirmont (précédé d'une magnifique étude de Michel Suffran) était le livre de chevet de l’immense Philippe Noiret qui en fit une lecture publique à Bordeaux. Il en parle avec passion dans son excellente autobiographie, Mémoire cavalière (2007).  

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